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la pièce d’eau, avec cette adresse qu’ont les paysans à lancer les pierres.

Toutefois, comme la nature, monotone dans la génération des sentiments, est variée dans leur manifestation, Gilbert éprouva, en quittant Taverney, quelque chose de pareil à ce qu’avait éprouvé Andrée. Seulement, de la part d’Andrée, c’était le regret du temps passé ; de la part de Gilbert, c’était l’espérance d’un temps meilleur.

— Adieu ! dit-il en se retournant pour voir une dernière fois le petit château dont on apercevait le toit perdu dans le feuillage des sycomores et dans les fleurs des ébéniers ; adieu, maison où j’ai tant souffert, où chacun m’a détesté, où l’on m’a jeté le pain en disant que je le volais ; adieu, sois maudite ! Mon cœur bondit de joie et se sent libre depuis que tes murs ne m’enferment plus ; adieu, prison ! adieu, enfer ! antre de tyrans ! adieu, pour jamais adieu !

Et après cette imprécation, moins poétique peut-être, mais non moins significative que tant d’autres, Gilbert prit son élan pour courir après la voiture, dont le bruissement lointain retentissait encore dans l’espace.


XIX

L’ÉCU DE GILBERT.


Après une demi-heure de course effrénée, Gilbert poussa un cri de joie : il venait d’apercevoir à un quart de lieue devant lui la voiture du baron qui montait une côte au pas.

Alors Gilbert sentit en lui-même un véritable mouvement d’orgueil, car il se dit qu’avec les seules ressources de sa jeunesse, de sa vigueur et de son intelligence, il allait égaler les ressources de la richesse, de la puissance et de l’aristocratie.

C’est alors que M. de Taverney eût pu appeler Gilbert un