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Alors il courut à sa petite chambre, et tira sa commode de chêne, derrière laquelle se trouva un paquet tout prêt. Il passa les nœuds de ce paquet, enfermé dans une serviette, au bout de sa canne de cornouiller. Puis découvrant son lit de sangle formé d’un matelas bourré de foin, il éventra le matelas. Ses mains y rencontrèrent bien vite un papier plié dont il s’empara. Ce papier contenait un écu de six livres poli et luisant. C’étaient les économies de Gilbert depuis trois ou quatre ans peut-être.

Il ouvrit le papier, regarda l’écu pour bien s’assurer qu’il n’était point changé et le mit dans la poche de sa culotte, toujours protégé par son papier.

Mahon hurlait, en bondissant de toute la longueur de sa chaîne ; le pauvre animal gémissait de se voir ainsi abandonné successivement par tous ses amis, car, avec son admirable instinct, il devinait que Gilbert allait l’abandonner à son tour.

II se mit donc à hurler de plus en plus.

— Tais-toi, lui cria Gilbert, tais-toi, Mahon.

Puis, comme souriant au parallèle antithétique qui se présentait à son esprit :

— Ne m’abandonnait-on pas comme un chien ? ajouta-t-il, pourquoi ne l’abandonnerait-on pas comme un homme ?

Puis réfléchissant :

— Mais on m’abandonnait libre, au moins, libre de chercher ma vie comme je l’entendais. Eh bien ! soit, Mahon, je ferai pour toi ce que l’on faisait pour moi, ni plus, ni moins.

Et, courant à la niche et détachant la chaîne de Mahon :

— Te voilà libre, dit-il, cherche ta vie comme tu l’entendras.

Mahon bondit vers la maison, dont il trouva les portes fermées, puis alors il s’élança vers les ruines, et Gilbert le vit disparaître dans les massifs.

— Bien, dit-il, maintenant nous verrons lequel a le plus d’instinct du chien ou de l’homme.

Cela dit, Gilbert sortit par la petite porte qu’il ferma à double tour et dont il jeta la clé par-dessus la muraille jusque dans