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peut-être de toute ta vie ; réfléchis, mon enfant, il te reste une heure pour te décider. Une heure, c’est bien peu sans doute, je le sais, mais je te crois prompte dans tes décisions : mon service ou ton mari, moi ou Gilbert. Je ne veux pas être servie par une femme mariée, je déteste les secrets de ménage.

— Une heure, mademoiselle ! répéta Nicole ; une heure !

— Une heure.

— Eh bien ! mademoiselle a raison, c’est tout autant qu’il m’en faut.

— Allons, rassemble tous mes habits, joins-y ceux de ma mère, que je vénère, tu le sais, comme des reliques, et reviens m’annoncer ta résolution. Quelle quelle soit, voici tes vingt-cinq louis. Si tu te maries, c’est ta dot ; si tu me suis, ce sont tes deux premières années de gages.

Nicole prit la bourse des mains d’Andrée et la baisa.

La jeune fille ne voulait sans doute pas perdre une seconde de l’heure que lui avait accordée sa maîtresse, car elle s’élança hors de la chambre, descendit rapidement l’escalier, traversa la cour et se perdit dans l’avenue.

Andrée la regarda s’éloigner en murmurant :

— Pauvre folle, qui pouvait être heureuse ! Est-ce donc si doux l’amour ?

Cinq minutes après, toujours pour ne pas perdre de temps sans doute, Nicole frappait aux vitres du rez-de-chaussée qu’habitait Gilbert, décoré si généreusement par Andrée du nom d’oisif, et par le baron de celui de fainéant.

Gilbert tournait le dos à cette fenêtre donnant sur l’avenue, et remuait on ne sait quoi au fond de sa chambre.

Au bruit des doigts de Nicole tambourinant sur la vitre, il abandonna, comme un voleur surpris en flagrant délit, l’œuvre qui l’occupait, et se retourna plus promptement que si un ressort d’acier l’eût fait mouvoir.

— Ah ! fit-il, c’est vous, Nicole ?

— Oui, c’est encore moi, répondit la jeune fille à travers les carreaux, avec un air décidé, mais souriant.

— Alors, soyez la bienvenue, Nicole, dit Gilbert en allant ouvrir la fenêtre.