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crayon de même métal, déchira la feuille de papier et la présenta en s’inclinant à la princesse.

Marie-Antoinette prit la feuille de papier et lut :

« La lettre était adressée à la maîtresse du roi Louis XV, à madame la marquise de Pompadour. »

La dauphine releva son regard étonné sur cet homme aux paroles si nettes, à la voix si pure et si peu émue, qui, tout en saluant très bas, paraissait la dominer.

— Tout cela est vrai, monsieur, dit-elle, et quoique j’ignore par quel moyen vous avez surpris ces détails, comme je ne sais pas mentir, je le répète tout haut : cela est vrai.

— Alors, dit Balsamo, que Votre Altesse me permette de me retirer, et se contente de cette preuve innocente de ma science.

— Non pas, monsieur, reprit la dauphine piquée, plus vous êtes savant, plus je tiens à ma prédiction. Vous ne m’avez parlé que du passé, et ce que je réclame de vous c’est l’avenir.

La princesse prononça ces quelques mots avec une agitation fébrile, qu’elle essayait vainement de cacher à ses auditeurs.

— Je suis prêt, dit Balsamo, et cependant je supplie encore une fois Votre Altesse Royale de ne point me presser.

— Je n’ai jamais répété deux fois Je veux, et vous vous rappelez, monsieur, que je l’ai déjà dit une fois.

— Laissez-moi tout au moins consulter l’oracle, madame, dit Balsamo d’un ton suppliant. Je saurai ensuite si je puis révéler la prédiction à Votre Altesse Royale.

— Bonne ou mauvaise, je la veux, entendez-vous bien, monsieur ? reprit Marie-Antoinette avec une irritation croissante. Bonne, je n’y croirai pas, la prenant pour une flatterie ; mauvaise, je la considérerai comme un avertissement, et, quelle qu’elle soit, je vous promets de vous en savoir gré. Commencez donc.

La princesse prononça ces derniers mots d’un ton qui n’admettait ni observation ni retard.

Balsamo prit la carafe ronde, au col court et étroit, dont nous avons déjà parlé, et la posa sur une coupe d’or.

Ainsi éclairée, l’eau rayonna de reflets fauves, qui, mêlés à