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— Ne plaisantez pas, monseigneur, dit le baron. Je jure à Votre Éminence que l’auteur de tout ceci est un sorcier, très sorcier, qui m’a prédit, voilà une heure à peu près, l’arrivée de Son Altesse et celle de mon fils.

— Voilà une heure ? demanda la dauphine.

— Oui, tout au plus.

— Et depuis une heure, vous avez eu le temps de faire dresser cette table, de mettre à contribution les quatre parties du monde pour réunir ces fruits, de faire venir les vins de Tokay, de Constance, de Chypre et de Malaga ? Dans ce cas, monsieur, vous êtes plus sorcier que votre sorcier.

— Non, madame ; c’est lui, et toujours lui.

— Comment ! toujours lui ?

— Oui, qui a fait sortir de terre cette table toute servie, telle qu’elle est enfin.

— Votre parole, monsieur, demanda la princesse.

— Foi de gentilhomme, répondit le baron.

— Ah ! bah ! s’écria le cardinal du ton le plus sérieux et en abandonnant son assiette, j’ai cru que vous plaisantiez.

— Non, Votre Éminence.

— Vous avez chez vous un sorcier, un vrai sorcier ?

— Un vrai sorcier ! Et je ne serais pas même étonné que l’or dont est composé ce service ne fût de sa façon.

— Il connaîtrait la pierre philosophale ! s’écria le cardinal les yeux brillants de convoitise.

— Oh ! comme cela va à M. le cardinal, dit la princesse, lui qui l’a cherchée toute sa vie sans la pouvoir trouver.

— J’avoue à Votre Altesse, répondit la mondaine Éminence, que je ne trouve rien de plus intéressant que les choses surnaturelles, rien de plus curieux que les choses impossibles.

— Ah ! j’ai touché l’endroit vulnérable à ce qu’il paraît, dit la dauphine, tout grand homme a ses mystères, surtout quand il est diplomate. Moi aussi, je vous en préviens, monsieur le cardinal, je suis très forte en sorcellerie, et je devine parfois des choses, sinon impossibles, sinon surnaturelles, du moins… incroyables.

C’était là sans doute une énigme compréhensible pour le