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s’écria-t-elle en éclatant de rire. Rassure-toi, ma pauvre Legay, je ne le regarde pas, ton Gilbert, et je ne saurais même te dire de quelle couleur sont ses yeux.

Et Andrée se sentait toute prête à pardonner ce qui, selon elle, n’était plus une impertinence, mais une folie.

Ce n’était point le compte de Nicole ; c’était elle qui se regardait comme l’offensée, et elle ne voulait point de pardon.

— Je le crois, répliqua-t-elle, et ce n’est pas le moyen de le savoir que de le regarder la nuit.

— Plaît-il ? fit Andrée qui commençait à comprendre, mais qui ne pouvait croire encore.

— Je dis que si mademoiselle ne parle à Gilbert que la nuit, comme elle l’a fait hier, ce n’est pas le moyen de connaître bien exactement les détails de son visage.

— Si vous ne vous expliquez pas sur-le-champ, prenez garde, dit Andrée fort pâle.

— Oh ! ce sera bien aisé, mademoiselle, dit Nicole, abandonnant tout son plan de prudence… j’ai vu cette nuit…

— Taisez-vous, on me parle d’en bas, dit Andrée.

Effectivement une voix criait du parterre :

— Andrée ! Andrée !

— C’est monsieur votre père, mademoiselle, dit Nicole, avec l’étranger qui a passé la nuit ici.

— Descendez ; dites que je ne puis répondre ; dites que je souffre, que j’ai une courbature, et revenez, que je finisse comme il convient cet étrange débat.

— Andrée ! cria de nouveau le baron, c’est M. de Balsamo qui veut tout simplement vous faire son compliment du matin.

— Allez, vous dis-je, répéta Andrée, en montrant la porte à Nicole, avec un geste de reine.

Nicole obéit, comme on obéissait à Andrée quand elle ordonnait, sans répliquer, sans sourciller.

Mais lorsque Nicole fut partie, Andrée éprouva quelque chose d’étrange ; si bien résolue qu’elle fût à ne pas se montrer, elle se sentit comme entraînée par une puissance supérieure et irrésistible vers la fenêtre laissée entr’ouverte par Legay.