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elle connaissait Andrée, elle savait que ce serait couper court à l’explication, laquelle n’était point encore assez avancée ; elle se ravisa donc.

— Au fait, je ne puis savoir ce que pense mademoiselle, je suis une paysanne et je vais selon la nature, moi.

— Voilà un singulier mot.

— Comment, n’est-il pas naturel d’aimer quelqu’un et de s’en faire aimer ?

— C’est possible, après ?

— Eh bien ! j’aime quelqu’un.

— Et ce quelqu’un vous aime ?

— Je le crois, mademoiselle.

Nicole comprit que le doute était trop pâle et que, dans une occasion pareille, il était besoin de l’affirmative.

— C’est-à-dire que j’en suis sûre, ajouta-t-elle.

— Très-bien ; mademoiselle occupe son temps à Taverney, à ce que je vois.

— Il faut bien songer à l’avenir. Vous qui êtes une demoiselle, vous aurez sans doute une fortune de quelque parent riche ; moi qui n’ai même pas de parents, je n’aurai que ce que je trouverai.

Comme tout cela paraissait assez simple à Andrée, elle oublia peu à peu le ton avec lequel avaient été prononcées les paroles qu’elle avait trouvées inconvenantes, et sa bonté naturelle ayant pris le dessus :

— Au fait, dit-elle, qui veux-tu épouser ?

— Oh ! quelqu’un que mademoiselle connaît, dit Nicole, en attachant ses deux beaux yeux sur ceux d’Andrée.

— Que je connais ?

— Parfaitement.

— Qui est-ce ? tu me fais bien languir, voyons.

— J’ai peur que mon choix ne déplaise à mademoiselle.

— À moi ?

— Oui !

— Tu le juges donc toi-même peu convenable ?

— Je ne dis pas cela.

— Eh bien ! alors, dis sans crainte ; il est du devoir des