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— De notre société. Il y a des peuples où chaque homme, vous le savez, a jusqu’à sept ou huit femmes.

— Ce ne sont pas des chrétiens, répondit Nicole avec impatience.

— Ce sont des philosophes, répondit superbement Gilbert.

— Oh ! monsieur le philosophe, ainsi vous trouveriez bon que je fisse comme vous, que je prisse un second amant ?

— Je ne voudrais pas être injuste et tyrannique envers vous, je ne voudrais pas comprimer les mouvements de votre cœur… la sainte liberté consiste surtout à respecter le libre arbitre… Changez d’amour, Nicole, je ne saurais vous contraindre à une fidélité qui, selon moi, n’est pas dans la nature.

— Ah ! s’écria Nicole, vous voyez bien que vous ne m’aimez pas.

La discussion était le fort de Gilbert, non pas que son esprit fût précisément logique, mais il était paradoxal. Puis, si peu qu’il sût, il en savait toujours plus que Nicole… Nicole n’avait lu que ce qui lui paraissait amusant ; Gilbert avait lu non seulement ce qui lui paraissait amusant, mais encore ce qui lui avait paru utile.

Gilbert commençait donc, en discutant, à regagner le sang-froid que perdait Nicole.

— Avez-vous de la mémoire, monsieur le philosophe ? demanda Nicole avec un sourire ironique.

— Quelquefois, répondit Gilbert.

— Vous rappelez-vous ce que vous m’avez dit lorsque j’arrivai des Annonciades avec mademoiselle, il y a cinq mois ?

— Non, mais rappelez-moi.

— Vous m’avez dit : « Je suis pauvre. » C’était le jour où nous lisions ensemble Tanzaï sous une des voûtes du vieux château écroulé.

— Bien, continuez.

— Vous trembliez très fort, ce jour-là.

— C’est possible ; je suis d’un naturel timide, mais je fais ce que je puis pour me corriger de ce défaut-là comme des autres.

— De sorte que, lorsque vous serez corrigé de tous vos défauts, dit en riant Nicole, vous serez parfait.