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— Oh ! ce sera vite fait ! s’écria Nicole, dont le caractère, absolument contraire à celui de Gilbert, ne la laissait maîtresse d’aucune de ses sensations ; mais tu as raison, nous sommes mal dans ce parterre ; allons dans ma chambre.

— Dans votre chambre ! s’écria Gilbert effrayé ; impossible !

— Pourquoi cela ?

— C’est nous exposer à être surpris.

— Allons donc ! répliqua Nicole avec un sourire de dédain ; qui nous surprendrait ? Mademoiselle ? En effet, elle doit être jalouse de ce beau monsieur ! Malheureusement pour elle, les gens dont on sait le secret ne sont point à craindre. Ah ! mademoiselle Andrée jalouse de Nicole ! Je n’aurais jamais cru à cet honneur-là !

Et un rire forcé, terrible comme le grondement de la tempête, vint effrayer Gilbert beaucoup plus que ne l’eût fait une invective ou une menace.

— Ce n’est pas de mademoiselle que j’ai peur, Nicole, j’ai peur pour vous.

— Ah ! oui, c’est vrai, vous m’avez toujours dit que là où il n’y avait pas de scandale, il n’y avait pas de mal. Les philosophes sont jésuites quelquefois ; du reste, le directeur des Annonciades disait cela comme vous ; c’est pour cela que vous donnez vos rendez-vous à mademoiselle pendant la nuit. Allons ! allons ! assez de mauvaises raisons comme cela… venez dans ma chambre, je le veux.

— Nicole ! dit Gilbert en grinçant des dents.

— Eh bien ! fit la jeune fille, après ?…

— Prends garde !

Et il fit un geste menaçant.

— Oh ! je n’ai pas peur, vous m’avez déjà battue une fois, mais parce que vous étiez jaloux. Vous m’aimiez dans ce temps-là. C’était huit jours après notre beau jour de miel, et je me suis laissé battre. Mais je ne me laisserai pas faire aujourd’hui. Non ! non ! non ! car vous ne m’aimez plus, et c’est moi qui suis jalouse.

— Et que feras-tu ? dit Gilbert en saisissant le poignet de la jeune fille.