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rudement ; cherchez ! Quand j’interroge, c’est pour avoir une réponse.

Et il toucha une seconde fois la poitrine de la jeune fille du bout de sa baguette d’acier.

La jeune fille tressaillit encore, mais sous l’impression d’une douleur visiblement moins vive que la première.

— Oui, oui, je vois, dit-elle, ménagez-moi, car vous me tueriez.

— Que voyez-vous ? demanda Balsamo.

— Oh ! mais c’est impossible ! répondit Andrée.

— Que voyez-vous donc ?

— Un jeune homme qui, depuis mon retour du couvent, me suit, m’épie, me couve des yeux, mais toujours caché.

— Quel est ce jeune homme ?

— Je ne vois pas son visage, mais seulement son habit ; c’est presque l’habit d’un ouvrier ?

— Où est-il ?

— Au bas de l’escalier ; il souffre, il pleure.

— Pourquoi ne voyez-vous pas son visage ?

— C’est qu’il le tient caché dans ses mains.

— Voyez à travers ses mains.

Andrée parut faire un effort.

— Gilbert ! s’écria-t-elle. Oh ! je disais bien que c’était impossible !

— Et pourquoi impossible ?

— Parce qu’il n’oserait pas m’aimer, répondit la jeune fille avec l’expression d’un suprême dédain.

Balsamo sourit en homme qui connaît l’homme, et qui sait qu’il n’y a pas de distance que le cœur ne franchisse, cette distance fût-elle un abîme.

— Et que fait-il au bas de l’escalier ?

— Attendez, il écarte les mains de son front, il se cramponne à la rampe, il se soulève, il monte.

— Où monte-t-il ?

— Ici… C’est inutile, il n’osera entrer.

— Pourquoi n’osera-t-il entrer ?

— Parce qu’il a peur, dit Andrée avec un sourire de mépris.