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ASCANIO.

nua-t-elle d’une voix haletante, me rendrez-vous cette lettre ?

— Je vous l’ai, je crois, laissé deviner, madame.

— Je devine mal, dites.

— Vous demanderez au roi la main de Colombe pour Ascanio.

— Allons donc, reprit Anne en riant d’un rire forcé, vous connaissez mal la duchesse d’Etampes, monsieur l’orfèvre, si vous avez compté que mon amour reculerait devant une menace.

— Vous n’avez pas réfléchi avant de me répondre, madame.

— Je maintiens cependant ma réponse.

— Veuillez me permettre de m’asseoir sans cérémonie, madame, et de causer un moment avec vous sans détours, dit Benvenuto avec cette familiarité sublime qui est le propre des hommes supérieurs. Je ne suis qu’un humble sculpteur, et vous êtes une grande duchesse, mais laissez-moi vous dire que malgré la distance qui nous sépare nous sommes faits l’un et l’autre pour nous comprendre. Ne prenez pas vos airs de reine, ils seraient inutiles ; mon intention n’est pas de vous offenser, mais de vous éclairer, et votre fierté n’est pas de mise, puisque votre orgueil n’est pas en jeu.

— Vous êtes un singulier homme, en vérité, dit Anne en riant malgré elle. Parlez, voyons, je vous écoute.

— Je vous disais donc, madame la duchesse, reprit froidement Benvenuto, qu’en dépit de la différence de nos fortunes, nos positions étaient à peu près les mêmes et que nous pouvions nous entendre et peut-être nous servir. Vous vous êtes écriée quand je vous ai proposé de renon-