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mortel pour expier le crime d’Adam, sans quoi la colère divine n’auroit plus connu de bornes ; mais qu’auroit donc pu faire ce Dieu irrité pour porter la vengeance plus loin ? Il auroit exterminé tous les hommes, me dira-t-on ; mais cela peut-il se comparer au feu éternel auquel il les a condamnés en naissant  ? Eh bien, il les auroit tous damnés irrévocablement ; c’étoit donc là, du moins, ce que sa colère pouvoit imaginer de plus terrible ; que l’on y réfléchisse un moment, et l’on verra combien il s’en faut peu qu’il ne soit exécuté. On avouera que dans les principes de l’évangile, c’est beaucoup si de mille chrétiens il y en a un de sauvé ; supposons-le néanmoins, et joignons ce calcul à celui que nous avons fait plus haut du petit nombre des chrétiens, nous verrons que sur cent mille hommes à peine y en a-t-il un de sauvé. Voilà donc à quoi se réduit cette grande bonté du créateur, et c’est pour nous obtenir une grace si singulière, qu’une portion de lui-même s’est fait chair et est venue périr du dernier supplice. Quelle sublimité de raison ! quelle profondeur de sagesse !

Une si auguste victime ne suffit pas encore pour mériter un tel excès de bonté, il faut que le même sacrifice se répète à chaque instant. Il est vrai qu’il devient aux hommes d’une utilité infinie. Le plus chétif des humains veut-il guérir d’un mal léger ? Veut-il retrouver une chose perdue ? Il a recours au même sacrifice ; l’appareil est bien plus considérable ; un prêtre, le plus souvent noyé de crimes, change, par le moyen de quelques paroles mystérieuses, un morceau de pain en cette même portion de