Page:Duliani - La ville sans femmes, 1945.djvu/98

Cette page a été validée par deux contributeurs.
96
LA VILLE SANS FEMMES

ordinaire pour rester, surtout durant la mauvaise saison, bien étendus sur leurs lits. Et il décida de livrer une petite guerre à sa manière aux trop indolents flémards.

— Vous allez, me dit-il, mettre de l’huile de ricin en flacons et vous collerez sur ces flacons une étiquette portant pour toute indication : Numéro 2. Quand je vous dirai : Donnez au malade du « numéro 2 », vous lui servirez ce nectar.

Et cela agrémenta la visite médicale pendant longtemps de toute une série de scènes du plus haut comique.

Voici, par exemple.

Un grand garçon très rigolo, de Hamilton, vint se plaindre un matin de douleurs mystérieuses qui l’empêchaient de faire tout mouvement. Le lieutenant l’écouta attentivement avec le plus vif intérêt. Puis, clignant de l’œil de mon côté, il dit :

Give this man Medicine No. 2.

Rien qu’à la couleur du flacon, le « rigolo » de Hamilton comprit de quoi il en retournait et me souffla près de l’oreille :

— Ne versez rien dans le verre et passez-le moi vide.

Ce que je fis, en feignant, bien entendu, de le remplir d’huile de ricin. Il prit le verre dans sa main droite de manière à en dérober toute la partie inférieure à la vue du médecin. Puis il joua une énorme pantomime accompagnée de force grimaces et moues de dégoût pour donner l’impression qu’il avalait vraiment de l’huile de ricin. À la fin, il partit l’air outré, ce qui fit éclater de rire le lieutenant.