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LA VILLE SANS FEMMES

— Mes enfants, dit-il d’une voix rauque, vous restez tandis que je m’en vais…

Il fut incapable d’en dire davantage. Mais le sentiment de sa propre souffrance le prit soudainement à la gorge et il éclata en sanglots.

Personne ne prononça un mot durant une longue minute. Le restaurateur libéré se tourna alors vers celui de notre groupe qui était le plus proche de lui et lui donna une accolade. Et il répéta le geste à la ronde avec une sorte de frénésie.

Précédé par le sergent, suivi de l’ouvrier et du soldat qui portaient ses bagages, il s’enfonça dans la nuit, laissant derrière lui un sillage d’émoi visible pendant un long moment sur le visage de chacun de nous…


***


L’autre soir, l’adjudant du commandant, jeune officier d’une distinction parfaite, vint me voir pour me demander des nouvelles d’un malade venu de Montréal. Il venait de recevoir un appel téléphonique de la famille inquiète et, à l’expression de ses yeux, je compris qu’il était content de pouvoir la rassurer.

Cette bienveillance des autorités militaires du camp envers les internés malades s’est manifestée chaque fois que s’est présenté un cas grave. Ainsi, je veille plusieurs nuits un malade dont l’état est alarmant. C’est un Lituanien dont le sourire et le regard angéliques contrastent avec une