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INFIRMIER

oreiller et le droit d’avoir la lumière allumée toute la nuit… Tu pourrais lire et écrire à ta guise jusqu’au matin…

Est-il besoin d’avouer que ces pauvres avantages matériels, qui m’apportaient, toutefois, un inappréciable réconfort moral, entraînèrent sur le champ ma décision ? J’acceptai. Et c’est ainsi qu’entré à l’hôpital en infirme et malgré moi, j’y suis resté comme infirmier.

Cela ne se fit pas sans quelque difficulté. Je me heurtai, en premier lieu, à mon ignorance de l’anglais.

Un camarade, brillant entrepreneur en construction de Montréal, me donna un conseil :

— L’important, dit-il, quand on te parle, c’est de ne pas donner l’impression que tu ne comprends pas. Réponds toujours avec conviction : « Yesssss Sir » en appuyant très fort sur l’s et, tu verras, tout ira bien.

Le premier soir de mon entrée en fonction, le sergent-major vint tout d’abord me demander combien de malades il y avait à l’hôpital.

Seven, répondis-je, sachant cela.

O. K., dit-il. I shall come back in ten minutes, to check.

Cela aussi, je le compris et j’attendis les dix minutes au bout desquelles il revint.

Have you anybody that escaped to-night ? me demanda-t-il le plus sérieusement du monde.

Ne comprenant pas la plaisanterie et n’entendant goutte à ce qu’il me disait, je me souviens fort à propos du conseil de l’ami constructeur.

Je souris et je réponds triomphalement :