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LA VILLE SANS FEMMES

Le matin, tous les hommes qui ressentent un mal quelconque passent par ce bureau où ils « marquent visite » et sont examinés par le médecin de service sous la direction du médecin militaire. Celui-ci vient accompagné d’un sergent du service sanitaire et il est assisté d’un des médecins internés, chirurgien de grande expérience et de grande valeur.

Ceux dont l’état exige un traitement suivi sont hospitalisés. Ils vont chercher leurs couvertures et se mettent au lit. Les autres reçoivent des soins sur le champ ou reviennent une ou plusieurs fois par jour selon les cas.

Restant à l’hôpital, je m’intéresse à tous ces malades et je compatis avec eux. Je m’aperçois bientôt que le mal physique ne me rebute plus et j’apprends le devoir d’aider ses semblables à supporter les maux dont ils sont affligés.

Cette transformation qui s’est opérée en moi, pour subtile qu’elle fût, n’a pas échappé à l’esprit observateur du médecin qui me soigne et qui me dit à brûle-pourpoint :

— Pourquoi ne deviendrais-tu pas l’infirmier-directeur de l’hôpital ?

— Quoi ?

— Parfaitement, insiste-t-il. La place est libre. Le jeune Roumain qui était ici a donné sa démission. Il ne faut pas être grand clerc ni spécialiste en quoi que ce soit pour bien remplir cette fonction. Il suffit d’avoir de l’ordre, de la bonne volonté, du cœur et un peu d’intelligence. Sans compter l’énorme avantage que tu aurais d’être le seul interné sur les quelque neuf cents du camp à avoir une chambre à toi, un lit à toi, des draps blancs, un