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LA VILLE SANS FEMMES

m’attristait, mais la vue de la souffrance physique avait toujours causé chez moi de véritables contractions nerveuses. Si bien — et je l’avoue avec honte — que les rares visites que j’avais dû rendre à des amis malades avant le 10 juin furent toutes faites à contre-cœur et m’avaient chaque fois plongé dans un profond malaise dont je n’avais jamais su me défendre.

Il faut croire que toutes les épreuves sont utiles pour former le caractère de l’homme. Quoi qu’il en soit, ce détestable complexe d’infériorité auquel j’obéissais a maintenant disparu. À la suite des circonstances que je vais maintenant relater.

Il y avait environ quatre semaines que j’étais arrivé au camp lorsque, un soir, je fus pris subitement de frissons et me mis à claquer des dents. J’allais entrer dans ma baraque quand je croisai un des médecins internés, excellent praticien et grand ami des lettres et des arts, qui, après m’avoir tâté le pouls, m’entraîna de force à l’hôpital.

Le thermomètre révéla que ma température s’était élevée à 104 degrés. Rien d’extrêmement grave : une forte grippe. Le médecin m’obligea, néanmoins, à me coucher dans un véritable lit, dans des draps blancs et la tête appuyée sur des oreillers. Sous l’effet d’un sulphatazoïde quelconque, je m’endormis profondément. Au réveil, une vive angoisse s’empara de moi.

Je me disais : « Une maladie grave et nécessitant une intervention chirurgicale peut frapper l’homme le mieux portant, chez lui, à la ville. C’est, bien entendu, un accident pénible mais que l’on affronte sans grand désarroi