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LA VILLE SANS FEMMES

pe menaçant, malmenés, frappés à coups de poings et à coups de pieds et même bâtonnés. Il y eut une quinzaine de blessés qui durent être pansés à l’hôpital et, pour éviter le retour d’incidents semblables, les victimes furent isolées dans une baraque spéciale. L’affaire eut une suite judiciaire. Une cour martiale siégea au camp et plusieurs condamnations au pénitencier furent prononcées contre les internés jugés coupables des violences commises.

En tout cas, l’incident, qui eut même un écho dans la presse et au parlement d’Ottawa, eut pour résultat de faire changer le commandant. Le nouveau venu se montra très aimable, mais certainement un peu plus ferme que ses prédécesseurs. Mais si, en principe, le colonel commande, le véritable boss du camp, comme dans l’armée du reste, c’est le sergent-major. Celui-ci est le personnage le plus important de la petite ville, parce qu’il constitue l’anneau de conjonction entre un ordre et son exécution.

C’est sur lui qu’on compte pour faire fonctionner tous les services, pour faire respecter tous les règlements, pour faire exécuter toutes les consignes. Le sergent-major que nous avons eu ici pendant une année et demi est un vieux soldat habitué à manier les hommes avec douceur et fermeté à la fois. Il eut tôt fait de nous connaître tous, un à un, et entre lui et nous — car cet homme est surtout un grand psychologue qui s’ignore — on se comprend à merveille, par demi-mots, par signes, par œillades. S’il est obligé d’infliger une punition, il le fait avec infiniment de regret. Et s’il peut nous rendre un service, il le fait avec joie.