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LA VILLE SANS FEMMES

sont supérieurs. Le fossé des classes sociales est disparu ! Il n’y a plus de différence de milieux ! Notre homme voit le gentleman habillé comme lui et en profite pour le tutoyer à sa guise.

Les communistes et les juifs, qui habitent une baraque à part, s’entendent bien. Leurs rapports avec l’hôpital, que je représente, et avec les médecins qui les soignent sont empreints de la plus parfaite correction. Car à l’hôpital, contrairement à ce qui pourrait se produire dans le camp, il n’est pas question de divergences d’opinions ou de races, mais de soigner tout le monde avec le même empressement et avec les mêmes principes de solidarité humaine.

Nombreux sont les cas d’internement multiples dans la même famille. On rencontre plusieurs frères, ou des pères avec leurs fils. Il y a, par exemple, un Montréalais très âgé mais d’un esprit gai et enjoué qui se trouve ici avec ses trois fils, dont le cadet a trente-cinq ans.

Il y a même mieux ; un cas rare d’amour filial.

Un Italien, assez âgé, avait donné avant la guerre des preuves multiples d’une activité favorable au fascisme. La guerre éclate et son internement est décidé. Mais, par suite d’une erreur causée par l’identité des prénoms, ce n’est pas lui qu’on arrête ; c’est son fils, âgé de trente ans, né au Canada, marié à une Canadienne et père de plusieurs enfants, qui, lui, ne s’est jamais mêlé ni de près ni de loin à la politique. Il peut le démontrer et obtenir ainsi sa libération immédiate. Mais son père prendrait sa place. Il préfère ne rien dire. Au bout de dix-huit mois,