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INFIRMIER

Détail curieux à noter. Comme je l’ai déjà fait observer, il y avait parmi les internés des hommes de tous les âges, depuis 17 jusqu’à 73 ans. Il semble évident que ceux qui devaient regretter le plus leur internement, c’étaient les jeunes gens ainsi privés des plaisirs et des agréments auxquels la vie, à leur âge, doit le plus de son prix. Or c’étaient les vieux, que leur âge excluait déjà dans la vie civile de ces plaisirs et de ces agréments, qui se plaignaient le plus. Ils étaient plongés dans une sorte de noir pessimisme. Quand ils se rencontraient et qu’ils faisaient cercle à trois ou quatre, on les entendait murmurer sur un ton lugubre :

— Hé, c’est fini !

— Ça ne va plus, c’est sûr…

— Fumons une pipe en attendant doucement la fin !

Et ainsi de suite.

Les jeunes gens étaient souvent gais. Ils faisaient du sport, des exercices physiques, menaient une vie active et salubre au grand air, mangeaient chacun pour quatre et ils limitaient leurs plaintes à l’expression d’une seule. L’un d’eux me la formula de façon lapidaire un jour que je lui demandais :

— Eh ! bien, comment va le moral ?

Il me répondit :

— Le moral va bien. C’est l’immoral qui ne va pas !

Quant à moi, si l’hôpital me donne beaucoup de travail, j’y trouve sans cesse une distraction toujours nouvelle et souvent inattendue. Après les visites, les parades médicales, les soins aux malades, il me restait beaucoup de