Page:Dulac - La Houille rouge.pdf/272

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 268 —

— Chut, dit le colonel… Elle ne peut pas se réjouir comme nous…

Quand ses fils l’embrassèrent au moment du départ, ils reçurent son baiser comme une bénédiction.

Le 2 août, le colonel vit briller très tard dans la soirée la fenêtre de l’appartement de sa femme. Il s’inquiéta ; car, depuis qu’elle n’attendait plus son retour, jamais une lueur n’illuminait cette chambre après dix heures du soir. Il frappa à la porte et entra.

— Que fais-tu au lieu de dormir ? dit-il affectueusement.

— Je prie !

— Pour eux ?

— Pour tous !

— Et pour moi qui t’ai fait souffrir ? dit-il en souriant.

— Et pour toi que j’ai beaucoup aimé ! répondit-elle bravement.

— Mais que tu n’aimes plus, n’est-ce pas ?

— Pour toi qui es le père et le Chef. Dieu a pardonné à ses ennemis, je peux bien pardonner à un vieil ami.

Elle lui tendit la main et l’ombre d’un sourire erra sur leurs bouches vieillies.

— Je pars demain Juliette. Si je fus un piètre mari, je serai…

— Un magnifique soldat ? Je le sais…