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chez sa femme : un matin — ce qui ne lui était pas arrivé depuis bien des années — et sa présence fit pâlir Madame Lartineau.

— Un malheur nous menace ? dit-elle.

— Pourquoi cela ?

— Pour que tu viennes ici il faut que la chose soit grave et pressante.

— Eh ! bien oui… la guerre… Ça y est !

— Mon Dieu !

— Écris aux enfants, je veux les revoir tous…

— J’y pensais !

Quarante huit heures après les cinq jeunes hommes étaient réunis à table, et chacun discutait avec un grand sang-froid. Au café, — au milieu de la fumée des cigarettes, — le diapason du patriotisme monta.

— On va les arroser un peu ! disait l’ingénieur.

— Je mettrai ma petite virgule dans cette page d’histoire, faisait Marc en se frottant les mains.

— Il faut en finir ! accentuait Gaston.

— À Berlin ! Ils nous assomment avec leurs menaces, disait Joseph en louchant sur le galon neuf de ses manches.

Mais Robert s’attristait d’être si jeune.

— Pas de chance ! Ce sera fini quand je serai de la classe. De quoi aurai-je l’air dans la famille ?

Afin de se mettre à l’unisson de l’enthousiasme ambiant, il ouvrit le piano et joua la Marseillaise. Madame Lartineau, qui travaillait auprès de la