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Ces petites discussions distrayaient les promenades de la mère et du fils, dont la conversation commencée déviait en une communion spirituelle des plus consolantes. Privé par l’éducation laïque de l’appoint moral des principes religieux, René Destange se trouvait — au moment de l’Épreuve, — dans la situation d’un homme placé au bord d’un précipice, sur un étroit chemin dénudé de parapet. Le vertige commençait à le saisir. La guerre l’avait d’un seul coup projeté jusqu’au sommet de l’héroïsme, et les mille imperfections humaines et sociales, lui apparaissaient, — des hauteurs où il était monté — comme un abîme impossible à combler ou à franchir.

— Combien faudrait-il de cadavres pour que les êtres qui grouillent dans les bas fonds de la cupidité et de l’inertie puissent se hausser jusqu’à l’idéal ? Mon sacrifice a peut-être été inutile ! Murmurait-il parfois.

— Tu blasphèmes René… Rien ne se perd, tout s’équilibre.

— L’équilibre !… Où est-il ? Trouves-tu juste par hasard, que moi, qui n’ai pris aucune part dans les responsabilités de l’heure, j’expie toute ma vie les erreurs des autres ?

— D’autres expieront les tiennes. Tu es malheureusement né dans le cycle de Mercure qui veut le mouvement des pensées et des corps. Tu as couru comme ceux de ta génération d’un bout à l’autre de