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sur un piedestral d’ébène. Les yeux fixés vers le centre elle attendait.

Cet exercice d’hypnose durait au moins une demi-heure ; elle s’y adonnait depuis le mois de mars 1915 mais elle n’avait obtenu aucune manifestation. Le découragement n’étant pas le propre des théosophes, elle s’acharnait. Et voilà qu’un soir elle aperçut tout au fond du cristal un nuage irisé de toutes les couleurs du prisme. Du milieu de cette ouate lumineuse sortit le dessin d’un nez et d’une molaire. Troublée et toute tremblante elle vint se blottir contre son placide époux, car tous les « sujets » commencent toujours par avoir peur des visions qu’ils provoquent.

Mais le lendemain la tentation la reprit et elle recommença. Cette fois, au bout d’un quart d’heure, elle poussa un cri de bête, et M. Destange, réveillé en sursaut, trouva Gilette la tête renversée et prise de syncope. Il lui donna les soins maladroits que tout homme imagine devant un malaise de femme ; il lui tapota dans les mains tout en aspergeant son visage à l’aide d’une carafe. Au bout de quelques minutes elle reprit ses sens et éclata en sanglots.

— René vient de mourir ! dit-elle.

— Qu’est-ce que tu chantes ?

— Je l’ai reconnu, il était tout ensanglanté.

— Où l’as-tu vu, notre René ?