Page:Dulac - La Houille rouge.pdf/225

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 221 —

l’admettre — en ayant soin de bien marquer qu’on la subissait — et la plus déplorable réputation fut faite à sa générosité. Pourtant, il n’y eut pas d’embusquées parmi ces bonnes samaritaines.

. . . . . . . . . . . . . . . . . .

Les quarante ans de Sylvia Maingaud Bertol étaient une véritable splendeur. Le bonheur avait épanoui sa beauté sans que l’âge ternît la blancheur de ses dents ; l’embonpoint qui rendait ses formes dodues les laissaient fines et élégantes. Quelques fils d’argent aux tempes reculaient à peine la ligne de son front, et, tout de suite, elle fut adorée de ses blessés. Elle savait tout entendre et ne répondre qu’aux jolies paroles ; amie des mères désolées et des fils résignés, elle devint l’idole de sa division. Ah ! comme elle les aimait tous ces pauvres héros victimes de la théorie du panache : mais, que de belles histoires ils lui contaient en revanche, au crépuscule !

En septembre 1914, on ménageait à ce point les nerfs des non-combattants, que les trains de blessés étaient garés aux stations, et qu’on ne les déchargeait que la nuit. Dans le silence des rues de province, les autos grises filaient à toute vitesse sans déranger les rêves des citadins, et les portes des hôpitaux se refermaient enfin sur des misères indescriptibles. Un matin — quand elle arriva pour les pansements — on lui désigna un des nouveaux