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silence lui fit redouter un nouveau danger ; elle ne savait lequel, mais elle sentait qu’il allait dépasser le crime.

En effet…, du sein des habitants, massés et muets de crainte, jaillit un cri, mais un cri tellement déchirant qu’il exprima toute l’horreur et toutes les malédictions humaines. En même temps une fumée âcre la saisit à la gorge, et instinctivement elle chercha à fuir cette atmosphère irrespirable. Elle traversa la maison vide qui était devant elle et courut loin de l’incendie qui crépitait. Quand ses poumons trouvèrent l’oxygène qu’ils exigeaient, elle se retourna. Elle n’eut pas la force de crier à son tour, parce que ce qu’elle voyait dépassait tous les sadismes de la douleur. Devant elle, brûlait l’hôpital, et — par les fenêtres, entre deux langues de flammes, — on apercevait les torsions des corps des blessés qui se carbonisaient sous les yeux des civils forcés d’assister à cet infernal autodafé. Et des ombres casquées exécutaient ce crime, baïonnette au canon, et réservoir de pétrole au dos.

Le spectacle était tel qu’il acheva d’anéantir l’énergie de la doctoresse, et que — sans souci du danger — elle alla droit devant elle fuyant la lueur de mort : Mais elle ne connaissait pas la ville et vingt fois elle revint à l’épouvantable vision.

Bien que l’édifice ne fût pas tout à fait consumé, le peuple fut autorisé à regagner ses demeures. Il passa tout près d’elle des femmes et des enfants :