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français jeta des bombes sur les arbres de la Cerisaie ; les engins ne tuèrent personne, mais prouvèrent au commandement qu’il était repéré. Aussi, — dix heures plus tard — les officiers de l’État-Major allemand mettaient-ils leur vie à l’abri dans une maison de Cessière à deux kilomètres de là.

Malgré le lamentable état dans lequel on lui laissa son château, le retour au logis fut une douceur pour la propriétaire. Il était temps d’ailleurs qu’un peu de liberté permit aux trois femmes de préparer la Grande Épreuve. Tiennette descendit à la ville y solliciter l’office d’un vieux docteur, que leur infortune apitoya ; et lui même envoya près des affligées une sorte de matrone, que les paysannes appelaient souvent auprès d’elles au moment des douleurs. Les deux mères restaient parfois des heures entières les yeux fixes ; toutes deux, à force d’avoir ruminé leur affront, redoutaient de voir apparaître un monstre.

Ce fut madame de l’Écluse qui — non sans peine — donna la première le jour à un garçon et Lida respira largement quand le bel enfant reposa dans un berceau.

— Madame il est comme les autres ! dit-elle à sa dolente patronne. Le mien sera joli aussi n’est-ce pas ?

— Et pourquoi pas ? fit le docteur en riant.

Au moment de partir, il prit la main de la nouvelle maman, et, très géné, la questionna.

— Madame, le moment critique est arrivé. L’en-