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dernière arrivée, frissonna de peur ; malgré la persistance que sa voisine avait mise à dissimuler son visage, elle venait de reconnaître Madame Breton de l’Écluse, laquelle était très assidue chez la mère d’une de ses élèves de piano. Que devait-elle penser de sa présence chez Madame Rhœa, sage-femme dont la clientèle se recrutait à la quatrième page des journaux par des annonces équivoques ! Il fut bientôt évident que son trouble était partagé par la femme du monde ; mais celle-ci préféra rompre le silence.

— Je ne me trompe pas, c’est bien Mademoiselle Sylvia Maingaud que j’ai le plaisir de rencontrer ?

— En effet, Madame, depuis un moment… je…

— Vous connaissez Madame Rhœa ?

— Oui… ou plutôt non… Elle m’a écrit… pour des leçons sans doute.

— Ah ! Ah ! une femme charmante n’est-ce pas ?

— Certainement… Je ne l’ai pas encore vue…

— Moi non plus… Mais on en dit le plus grand bien.

Trop intelligentes pour ne pas comprendre qu’elles bredouillaient misérablement, elles se turent très vite.

Pendant un silence, leurs yeux se rencontrèrent et leur commune détresse creva dans des larmes qu’elles essuyèrent en détournant la tête, tandis que devant elles, la troisième consultante ne cessait de fixer une rainure du parquet.