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ces qui dépassaient les pires conceptions néroniennes, et le carnage avait délié toute comparaison avec les hécatombes du passé.

Une après-midi que Lida, prise de syncope dut enlever son corset, le père Tiennet — qui fumait sa pipe au coin de l’âtre — regarda la silhouette de sa fille. La courbe de l’abdomen le frappa.

— T’es comme les moutons qu’ont le gros ventre… T’as point mangé d’la luzerne ? dit-il en riant.

— Non, fit la mère allant au-devant du danger ; elle a mangé du malheur.

— Quéque tu chantes ?

— Je ne chante point… Je pleure.

— Ah ! çà ! tas de fumelles, qu’est-ce qui se passe ?

Lida, prise de peur, s’enfuit dans la chambre retrouver sa maîtresse et, toutes deux, l’oreille tendue, écoutèrent l’affreuse scène.

— Il se passe que, comme toujours, tu n’y vois pas plus loin que le bout de ton nez ! Est-ce que les hommes y voient jamais clair ? Cette guerre le prouve assez !

— Fiche-moi la paix avec la politique… Pourquoi Lida est-elle malade ?

— Parce qu’elle est enceinte !

— Répète un peu ? fit l’homme, assommé.

— Oui… enceinte ! d’un de ceux-là !

Justement un bruit de sabres et de bottes troublait le calme de l’allée.

— Elle a ?… Elle s’est… la catin !…