Page:Dulac - La Houille rouge.pdf/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 157 —

endormi, et cela suffit pour qu’elle se souvint. Avec une peine inouïe, elle parvint à s’adosser au canapé. Ses peignes et ses épingles à cheveux, dérangés dans la lutte, tombèrent avec des sons mats sur le parquet ciré et cela l’effraya. Est-ce qu’il allait se réveiller et la torturer encore ?

— Non, non ; pas de nouveaux outrages… ou…

La colère se réveillait en elle avec la raison ; et la vengeance lui conseillait le crime. Elle était seule avec son bourreau endormi. Ses ongles s’étaient cassés sur les faces et les habits des souilleurs ; ses jambes et ses bras courbaturés et couverts de taches bleuissantes avaient tout juste assez d’énergie pour la traîner sans la mettre debout. Qu’importe ! Elle ramperait ! elle mit vingt minutes à parvenir près du fauteuil ; et là ; par terre, — sous le siège, — brillaient les ciseaux que la brute avait jetés après, avoir tailladé la robe montante.

— Dans la gorge, murmura-t-elle, je les lui enfoncerai dans la gorge !…

Après de longs efforts, elle put se tenir sur ses genoux, mais elle était trop bas. Elle raidit sa volonté, les yeux haineusement fixés sur la bouche ouverte qui ronflait. Trois fois, elle retomba… mais comme au loin sonnaient les coups réguliers de l’horloge d’une chapelle, elle se dressa, vacillante, redoutable quand même. Au même instant, un cliquetis de sabres et d’éperons glaça son élan et réveilla le Commandant.