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— Que voulez-vous… la Patrie à des exigences bien rudes parfois, et je n’ai oublié aucun des froissements que m’ont infligé ces stupides Françaises. Il est vrai que j’ai retenu aussi les propos imprudents que ces perruches débitaient devant moi… Ce déjeuner est bien banal, Madame. Veuillez, ce soir, soigner un peu plus le menu et l’arroser de vos meilleurs vins. Autre chose… ajouta-t-il, le monocle solidement ancré, j’exige la tenue décolletée pour les lumières ; ce matin, vous êtes vraiment fagottée ! Nous prendrons le café entre hommes ; il nous faut travailler pour ravager de fond en comble votre pays.

— Cela prouve que vous n’avez pas l’intention d’y rester, répliqua la malheureuse.

À partir de ce moment, les convives parlèrent en allemand, et la maîtresse de maison put se ressaisir dans le silence. Au fromage, l’ordonnance versa du champagne et le commandant se leva :

— Madame, dit-il, la France se targue trop d’hospitalité pour que vous refusiez de boire à son hôte actuel ?

— À notre Kaiser et à sa gloire ! dit l’un des officiers.

— Au Kaiser et à l’Allemagne ! dit le second.

— Que Dieu garde notre Kaiser ! pontifia le commandant.

Dans un silence impératif, les trois verres s’immobilisèrent.