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allez me chercher de l’ouate et de l’eau oxygénée.

Les yeux clos, le blessé restait sans mouvement, mais bientôt, il porta la main sur sa blessure ; elle saignait d’un petit orifice situé en plein poumon gauche.

— Le gestionnaire ! fit-il avec autorité, mais la voix à peine timbrée.

— Il doit dormir à bout de forces, colonel !

— Et le major ?

— Lui aussi repose sans doute : depuis vingt heures, il n’a pas cessé d’opérer.

— Alors, vous… écoutez… Je vais mourir, je le sens. J’ai là dans la poche de mon dolman des ordres et des plans qu’il faut cacher ou détruire. Les Allemands sont sur nos talons ; ils seront ici dans deux heures, et il ne faut pas, entendez-vous, que ces papiers les guident. Prenez !…

Rhœa se pencha vers le mourant ; dès qu’elle eut défait trois boutons, la douleur fit gémir le colonel.

— Mais, allez donc, ordonna-t-il du regard plus que de la voix.

Alors, vivement, elle acheva d’ouvrir le dolman, vida la poche indiquée, et, sous les yeux du martyr, enfouit les papiers dans son corsage.

— Détruire !… insista-t-il dans un souffle. Détruire… j’ai aussi là…

Les yeux chavirèrent, une mousse rouge monta dans un hoquet, déborda sous la moustache grise,