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LES PREMIERS POÈTES DU VERS LIBRE

avec le commencement seulement du quatrième :

Car tu m’es…

suspension qui n’était pas médiocrement cocasse… Les coquilles sont des blessures qui, on le voit, saignent encore trente-cinq ans passés…

C’est ainsi qu’à la rigueur j’aurais pu dire tout à l’heure que j’avais publié (malgré moi) mes premiers vers libres en août 1886.

Refoulé, à cette époque, dans le poème en prose, et bien qu’ayant par la suite publié encore quelques vers réguliers, je n’en gardais pas moins mes préoccupations vers-libristes et, pendant l’été 1887, j’écrivis les Litanies, où se marque précisément cette préoccupation d’une « poésie libre » correspondant à une « musique libre ».

Pour la Vierge du roc ardent, l’année suivante, était encore rempli du fatras décadent à la mode de 1886, qui empoisonna hélas d’autres jeunesses que la mienne ! Heureux pourtant ceux qui, même à ce prix, auront payé, pour l’usage de leur maturité, l’instauration du vers libre, si leur évolution ne s’est pas arrêtée là ! Il est évident que la préoccupation musicale doit être à la base de l’« écriture en vers » ; mais l’expérience a montré les dangers qu’il peut y avoir à n’écouter que la voix ensorceleuse de la magicienne Musique, et Laforgue n’avait peut-être pas complètement tort,