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les premiers poètes du vers libre

Saluons ! Ce sont les premiers vers libres qui aient jamais été publiés.

J’ai expliqué pourquoi il était impossible de considérer comme des vers libres aucune des « poésies » de Rimbaud, et de considérer comme des vers quelconques les « proses » des Illuminations et de la Saison en Enfer, quelque tendance qu’il y ait dans celles-ci comme dans celles-là vers le vers libre. Au contraire. Marine est un petit poème nettement en vers libres ; et il en sera de même de Mouvement, que nous allons nommer ensuite.

La pièce étant courte, je la cite, bien qu’elle figure dans toutes les éditions de Rimbaud.

Les chars d’argent et de cuivre,
Les proues d’acier et d’argent
Battent l’écume,
Soulèvent les souches des ronces.
Les courants de la lande
Et les ornières immenses du reflux
Filent circulairement vers l’est,
Vers les piliers de la forêt,
Vers les fûts de la jetée,
Dont l’angle est heurté par des tourbillons de lumière[1].

Les deux éléments constitutifs du vers libre sont là : pieds rythmiques nettement marqués, unité de chaque vers.

  1. Suivaient, dans la Vogue, quelques lignes que Paterne Berrichon, dans son édition définitive, a fort justement reportées ailleurs.