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— « Bonsoir, Marie » dis-je à Marie.

Il faut soigneusement dire bonsoir à Marie ; Léa descend ; en touffes le satin noir de sa robe est relevé ; elle descend ; je la suis ; à chacun de ses pas ses épaules dans le satin ont un rejet en arrière ; sur sa tête la rouge plume du chapeau se penche, se relève, se penche ; très droite descend la jeune femme ; lentement à sa main gauche boutonnant le long gant noir ; à chaque marche d’un pas égal, elle descend, droite également ; et c’est la rue, une clarté pâle et rougeâtre ; et la voiture, une masse noire obstruant à la lumière.

— « Ne craignez-vous pas » dis-je « le froid d’une voiture découverte ? »

— « Non ; le temps est beau. »

— « Vous montez ?… »

Elle monte ; je monte.

— « Prenez garde de vous asseoir sur ma robe. »

Certes, ce me vaudrait une rancune durable.

— « Nous allons du côté de l’Arc-de-l’étoile ? »

— « Oui. »

— « Cocher, suivez les boulevards jusqu’à l’Arc-de-l’étoile. »

Je m’assieds ; la voiture se meut ; voilà Léa sérieuse et grave comme une marquise du Théâtre-français.


(à finir)
Édouard Dujardin

ERRATUM. — Dans le dernier numéro de la Revue, page 472 (tome III), les deux premières lignes du chapitre IV de les Lauriers sont coupés doivent être supprimées, depuis « Le vestibule » jusqu’à « accepté » ; ce chapitre commence donc à « Monsieur ».