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simple ; avec une redingote je ne puis avoir un chapeau rond. Léa ne me parle presque pas de ma toilette ; elle doit cependant y regarder. Chavainne :

— « Je vais au Français ce soir. »

— « Que joue-t-on ? »

— « Ruy-Blas. »

— « Vous allez voir cela ? »

— « Pourquoi non ? »

Je ne répondrai pas. Est-ce qu’on va voir Ruy-Blas en mil huit cent quatre-vingt-sept ? Lui :

— « Je n’ai jamais vu cette pièce, et, ma foi, j’en ai la curiosité. »

— « Quel vieux romantique vous êtes. »

— « C’est vous qui m’appelez romantique ? »

— « Eh bien ? »

— « Vous êtes un romantique pire qu’aucun. Et l’histoire de votre passion ?… Pour être allé, une fois, aux Nouveautés, entendre je ne sais quoi… Une belle idée que nous eûmes… Nous avons remarqué un page… »

Était-elle jolie !

— « Mon ami, vous avez usé tout l’hiver à vous chauffer la cervelle ; et maintenant vous admettez mille folies. Sérieusement… Et rappelez-vous que c’est moi, qui, en sortant du théâtre, ai cherché sur l’affiche et vous ai dit le nom de Léa d’Arsay… Aussitôt a commencé votre enthousiasme ; aujourd’hui c’est un amour platonique. »

Passe un monsieur élégant, avec à sa boutonnière une rose ; il faudra, ainsi, que j’aie une fleur ce soir ; je pourrais bien encore porter quelque chose à Léa. Chavainne se tait ; ce garçon est sot. Eh oui, originale est l’histoire de mon amour ; or, tant mieux. Une rue ; la rue de Marengo ; les magasins du Louvre ; la file serrée des voitures. Chavainne :

— « Vous savez que je vous quitte au Palais-royal. »