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à cette grosse fille ; pendant ces deux semaines d’absence de Léa, je n’ai plus vu, rue Stévens, qu’elle, l’excellente Louise. Et puis cette histoire ; mademoiselle d’Arsay échouée en Champagne, je ne sais plus où, sans argent ; le matin j’avais reçu de mon père mes six cents francs ; ce fut instinctif ; un désir d’étonner, d’éblouir, d’être admirable ; une folie pourtant ; donner ainsi trois francs ; pour une femme deux fois aperçue et qui m’avait mis à la porte ; un beau mouvement, certes, mais qui me liait. C’est alors qu’elle m’a écrit son second billet.

« … Je vous suis bien reconnaissante du service que vous avez eu la gracieuseté de me rendre. Si j’avais su plus tôt que vous étiez l’auteur de cette complaisance je vous aurais remercié de suite .......... »

Elle avait écrit « plus tôt » et a surchargé « de suite ».

« … Mais je n’ai été informée de votre bonté que depuis peu de temps. Je m’empresse de vous dire que je serai de retour à Paris mercredi soir et que si vous voulez me faire l’amabilité de venir me voir jeudi dans l’après-midi vers les quatre heures, vous serez le bien venu. En attendant le plaisir de vous voir, je vous serre amicalement la main.

» Léa d’Arsay. »

Ce carnet ?… oui. J’avais eu l’idée d’écrire jour par jour, en résumé, la suite de mes relations avec cette femme ; j’ai eu tort de ne pas persévérer ; ce serait devenu intéressant ; c’est déjà curieux, ce mémento de trois semaines ; les semaines précisément d’après la rentrée de Léa à Paris ; les trois premières semaines de notre liaison ; en effet cela commence le jeudi lendemain de son retour.

« Jeudi 27 janvier : — Quatre heures ; je vais rue Stévens ; Léa me reçoit ; toilette blanche ; elle me parle de ses ennuis, le terme non encore payé ; j’offre lui apporter, à minuit, deux cents francs ; convenu.

» Minuit ; elle revient du théâtre avec sa mère ; me re-