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douce à contempler, l’ombre ; si caressante à caresser, de ses regards, l’ombre des formes d’arbres et des jardins en la nuit ; ce serait si bon, rêver dans le farniente d’un soir, à une fenêtre, songer son amour, son aimée, et considérer un très calme de soir, rêver. Songer l’amour qu’on aurait saint, l’aimée qu’on aurait inviolée, dans un soir chaste ; ce serait bon, rêver dans le confort calme du soir. Ici la nuit fraîche et noire ; la nuit plus fraîche, plus noire ; derrière, la chambre plus chaude, plus moite, avec les bougies limpides ; le dehors est frais ; l’intérieur est plus tiède, plus doux ; le dehors est frais, presque froid ; ces noirs à la fin sont tristes ; est une angoisse à fouiller tant d’immobilités ; ce ciel blafard, ces masses d’arbres, ces lueurs sont glaciales ; presque lugubre, ce silence ; j’ai une peur de cette grande nuit muette ; le dedans est doux, tiède, moite, chaud, avec les tapis, les étoffes, les murs bien clos, le confort des choses molles ; rentrons… je me redresse, je me retourne… les bougies sont allumées sur la cheminée ; voici le lit blanc, moelleux, les tapis ; je m’appuie sur la croisée ouverte ; dehors, derrière moi, je sens la nuit ; la nuit noire, froide, triste, lugubre ; l’ombre où des apparences bougent, le silence où bruissent des sables ; les longs arbres tassés en noir ; les murs vides, et les fenêtres obscures d’inconnu et les fenêtres éclairées, inconnues ; dans la blêmeur du ciel, ce trépidement des yeux pleurards des étoiles ; le secret des ombres opâques, ténébreuses, mêlées en quelque chose formidable ; ah, là, quelque chose ignorée, formidable… J’ai un frisson, précipitamment je me tourne, je saisis les croisées, je les pousse, je les ferme, précipitamment… Rien… La fenêtre est fermée… Et les rideaux ? je les tire, voilà… La nuit est supprimée. Dans la clarté amie, ma chambre, la chambre de moi ; en le chez-soi comme l’on est à l’aise ! la chambre molle ; hors la ter-