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LA LÉGENDE D’ANTONIA

J’ai pris ma route ;
Mon cœur est vide, ma chair dissoute,
Mon âme absoute ;
Ma vie à vous se donna toute.

Alors… alors… alors…
Comme l’univers s’effaçait dans une ombre de mort,
Comme je touchais la frontière
Où la nuit et la montagne surgissent hors la terre,
Comme j’arrivais
À ces sommets…
Alors s’est rencontré
Le berger…
… Oh ! il m’a prise !
Sa bouche sur ma bouche s’est mise ;
Ses bras
Ont enserré mes bras ;
Sa poitrine
A touché ma poitrine ;
Oh ! son souffle a violenté ma face,
Et son désir m’embrasse,
Ses baisers m’enlacent…
Horreur ! l’enfant de la nature
A triomphé de celle qui refusait la nature…
Horreur ! il m’a vaincue,
En ses mains il m’a tenue.
Il m’a eue…

Hélas ! ici viennent les âmes