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LA FIN D’ANTONIA

Celle des amours absolues,
Je te salue,
Ô pain de la mendicité
Par qui ma vie se retire aux bornes de l’humanité.

Et maintenant voici que la nuit va descendre
Et que toutes les choses au néant vont se rendre ;
Et me voici dans la montagne,
Et les humains sont loin, dans les campagnes,
Et c’est fini,
Ces vains, ces odieux, ces fous soucis,
Et des dernières humanités le dernier reste semble aboli.
Maintenant
Je suis seule et sous l’infini qui s’étend
Je regarde, je vois
La montagne sainte où rien ne vit hors moi,
Et ce soir de flamme
Précurseur de la nuit de l’âme,
Et ces nuées où siègent
Les cimes des éternelles neiges.

Pour moi rien de vivant n’existe plus ;
Mon âme a dépouillé le vêtement des apparences superflues ;
Par les altitudes
Loin au-dessus des étendues où sont les multitudes,
Je vais ma route,
Et mon esprit ne connaît point le doute.
Ici,
C’est la montagne et c’est la nuit,