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Des plus rouges, des plus noires, des plus fantastiques nuées,
La femme est devenue la prostituée.
Mon secret enfoui dans mon cœur,
J’ai laissé ma bouche proférer des mots menteurs,
J’ai permis que mon front se couvrît d’inanes fleurs,
Mes pâles joues se sont éclairées de factices couleurs,
À mes yeux j’ai appris de nouveaux sourires ;
Pourquoi plutôt pleurer ou rire ?
Et les mains blanches de l’artifice
M’ont faite redoutable, souveraine et séductrice.
J’ai donné aux passants que m’amenait le sort
Ce qu’ils voulaient, l’extase, la joie, la mort.
Ah ! les jours ainsi
Ont coulé, sans repos, sans changement, sans merci.
Moi, était-ce moi ?
Tu l’as dit… était-ce moi ?

Ô mon amant, ô mon époux,
Je t’aime, et je n’ai que toi, et le rêve à qui je me voue,
C’est toi ; et ma pensée, sais-tu pas bien
Qu’elle t’appartient
Et qu’il n’est rien
Qui ne soit tien
Et que toujours, toujours, toujours je suis ton bien.
Ô roi,
De mon âme empare-toi.