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À qui je donnai mes serments,
Toi l’élu
Pour qui je fus en effet de toute éternité élue,
Toi que je dus tromper,
Et que j’ai tué,
Toi celui que j’ai crucifié,
Toi que j’ai aimé,
Ô toi
Dont mourant, tu l’as dit, je fus la suprême joie,
Sache, ô toi mon unique aimé,
Mon époux, mon héros, mon maître, mon dieu, mon bien-aimé,
Sache, je suis restée seule en face de l’avenir ;
Et lorsque sous mes lèvres se fut exhalé ton dernier soupir,
Je me trouvai, moi l’idéale, moi l’amante, moi la femme,
Dans l’isolement épouvantable de mon âme.

Alors, pourquoi plutôt ceci, plutôt cela ?
La connaissance des choses qui m’entouraient m’abandonna.
Devant moi les plaines de la vie
S’étendaient indéfinies ;
Et sous mes pieds
S’entremêlaient les plus indifférents sentiers.
Que m’importait ?
J’allais, j’allais…
Au milieu des étés, des hivers,
Par les oasis et les déserts,
Sous les tempêtes et les printemps verts,
Et parmi les tonnerres