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Tes lèvres, oui, je les connais…
Mais
On dirait qu’elles ont appris
Des sourires tout autres que ceux que jadis
Notre amour y avait mis ;
Je connais ce sourire, ces yeux, ce front ;
Et il semble que l’illusion
Ait fait plus pur ce front
Et ce sourire plus doux et ces yeux plus profonds.

Tiens, cette rose
En ta chevelure, je n’ose
En sentir les senteurs trop troublantes…
Ah ! que les courbes de tes cheveux sont devenues savantes !
Ah ! que ces fleurs sont donc trop enivrantes !
Tes mains jadis étaient-elles si blanches ?
Est-ce de telles robes qui flottaient sur tes hanches ?
Voici que le jour naissant sur toi ruisselle,
Et voici qu’il te révèle
Telle
Et non point telle
Que j’ai jadis aimé mon immortelle.

Toi, oui, c’est toi ;
Et cependant je crois
Que ce n’est plus toi.

… Celle que dans le songe d’une nuit de prodige