Page:Dujardin - Antonia, 1899.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le Vieillard

Dis-tu vrai ?


Le Jeune Homme

Elle dit, elle dit vrai.


L’Aïeul

J’ai touché l’âge où les choses humaines ne laissent plus
Qu’un vestige indéfiniment confus ;
Sur la mer
Je vais la course dernière ;
Mes yeux ont presque oublié le soleil
Et pour frapper encore mes oreilles
Il faut une aussi pénétrante douceur de paroles
Que celle, ô reine, qui de tes lèvres que je vois à peine s’envole.
Dans mes membres mon sang est presque froid,
Et tout à l’heure, quand nous venions vers toi,
Ce n’est pas de ces yeux presque fermés à toute flamme,
Mais au fond de mon âme,
Que j’ai vu le funeste envol des corbeaux sombres.
Et tout cela déjà se perd dans l’ombre ;
Je n’ai plus d’inquiétudes,
Mais seulement une vieille lassitude ;
De consolation, ni d’oubli, ni de rien de ce qu’aux autres il faut
Je n’ai désir, mais du repos.