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GUILLAUME, ALEXANDRE, ROBERT

ajoute ce corollaire ; « Id quod est habere aliquid potest præter id quod ipsum est, » et quelques autres. Ces corollaires se lisent, en effet, au troisième livre du traité De hebdomadibus ou De Trinitate de Boëce[1] ; mais l’axiome lui-même ne s’y trouve pas.

Pour découvrir l’origine de l’axiome dont nous voulons retracer l’histoire, il nous faut remonter plus haut que Boëce, il nous faut arriver jusqu’à Hilaire que, vers 350, les habitants de Poitiers portèrent au siège épiscopal de leur ville, et qui mourut sur ce siège vers 367.

Dans son traité en douze livres Sur la Trinité, Saint Hilaire s’attache, à plusieurs reprises, à cette pensée ; Dieu est l’être nécessaire, il est lui-même le principe de son existence. Cette pensée, il s’efforce de l’exprimer clairement, mais il ne fait point appel, pour cela, aux termes dont les diverses écoles philosophiques avaient accoutumé de se servir ; aux doctrines de ces écoles, il n’a jamais recours, il ne fait aucune allusion.

Pour désigner Dieu, pris tel qu’il est, il dit : Ce qu’il est, id quod est. Pour désigner le principe de l’existence de Dieu, ce qui fait que Dieu est, il dit : L’être, esse. À son gré donc, il n’y a pas de distinction entre l’être de Dieu et ce qu’est Dieu.

« L’être de Dieu, dit Saint Hilaire[2], est en Dieu même ; ce qu’il est, il ne le tire pas d’ailleurs ; ce qu’il est, il le tient de lui-même et le possède en lui-même. — Ejus esse in sese est, non aliunde quod est sumens, sed id quod est ex se atque in se obtinens. »

« C’est le propre de Dieu, dit-il encore[3], d’être ce qu’il est, et le sens non douteux de cette proposition, c’est celui-ci : Ce qu’il est, on ne peut ni concevoir ni dire que cela n’existe pas. — Deo proprium esse id quod est, non ambigens sensus est : Quia id quod est non potest intelligi nec dici non esse. »

Parfois, pour désigner le principe de l’existence, ce qui fait exister, Saint Hilaire remplace le mot esse par l’expression ex quo est ; c’est ce qui a lieu notamment au passage suivant[4] qui a trait, au Verbe, Fils de Dieu :

« Par cela même qu’il est Dieu et que Dieu est en lui, Dieu n’est pas hors de lui ; s’il est Dieu et si Dieu est en lui, cela ne

  1. Anith Manlii Severini Boethii De Trinitate ad Symmachum liber IIIus (Anith Manlii Severini Boethi (sic) Opera, Basileæ, ef ofticina Henricpetrina, MDLXX, pp. 1181-1182.)
  2. Sancti Hilarii Pictavensis episcopi De Trinitate lib. II, cap. VI [Sancti Hilarii Opera. Accurante J P. Migne. T. II (Patrologiœ Latinæ t. X) Col. 55].
  3. Sancti Hilarii Op. laud., lib. XII, cap. XXIV ; éd. cit., t. II, col. 447.
  4. Sancti Hilarii Op. laud., lib. V, cap. XXXVII ; éd. cit., t. II, col. 155.