Page:Duhem - Le Système du Monde, tome II.djvu/318

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
312
LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

en façonnant le Monde, a établie entre elles ; et ce langage est véridique, à cause de l’harmonie préétablie entre ces circulations célestes et les événements du monde sublunaire. Comment cette harmonie permet les prédictions astrologiques, Plotin l’explique par cet exemple : « De même, dans un être vivant, en vertu du principe unique dont il dépend, peut-on juger d’une partie par une autre ; l’examen des yeux ou de quelque autre partie du corps permet de deviner les mœurs ».

Si donc les astres, si d’autres présages permettent la prévision des événements futurs, c’est que le premier Principe a établi, entre les diverses choses qui composent le Monde, un ordre rigoureux et une parfaite harmonie. Cette harmonie universelle, Plotin la décrit[1] comme le faisaient les Stoïciens et les Chaldéens :

« Il faut que toute chose soit rattachée à toute chose ; et non seulement, en chaque être particulier, faut-il qu’une liaison parfaite assure, à toutes les parties, une conspiration unique ; mais mieux encore, et tout d’abord, faut-il, dans l’Univers, qu’un Principe unique ramène à l’unité cet être vivant multiple, et réunisse tout eu un. Do même qu’en chaque être particulier, chaque partie accomplit son œuvre propre, de même, dans l’Univers, à chaque partie son œuvre spéciale doit être assignée ; et cela est d’autant plus nécessaire que les parties sont, ici, plus grandes, qu’elles ne sont pas seulement des parties, mais aussi des touts. À partir de l’Unité, donc, chaque être s’avance suivant sa propre voie, et chaque chose est réunie à chaque autre chose ; nulle chose, en effet, n’est affranchie à l’égard de l’ensemble des choses ; sur toutes choses, chaque chose agit ; de toutes choses, elle pâtit. »

De cette harmonie universelle, l’accord des diverses sortes de présages par lesquels un même événement peut être prédit nous donne une preuve manifeste.

La doctrine de Plotin n’est pas entièrement nouvelle. On en trouve des germes dans l’enseignement des Stoïciens qui l’ont précédé.

Déjà, Cicéron écrivait, au sujet, de la divination[2] :

« Il est constant qu’il existe des dieux, que le Monde est administré par leur providence, qu’ils veillent aux affaires des hommes, non seulement d’une manière générale, mais en particulier. Dés là que nous tenons ces principes pour certains, et il ne me paraît pas qu’on les puisse renverser, nous regarderons assurément comme nécessaire que les dieux annoncent aux hommes, par des

  1. Plotin, loc. cit.
  2. M. T. Ciceronis De divinatione lib. I, capp. LI et LII.