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L’ASTRONOMIE DES EXCENTRIQUES ET DES ÉPICYCLES


que ne sont pas susceptibles d’engendrer la certitude ; il faut, il a pris soin de nous en avertir, délaisser tout espoir que ces démonstrations parviennent jamais à rallier tous les suffrages à une même opinion.

Il n’en est pas de même de l’Astronomie mathématique ; elle peut prétendre à une forme qui ne serait plus soumise à contestation et qui demeurerait invariable à travers les siècles. Si l’Astronomie lui paraît ainsi susceptible d’une certitude dont la Physique est incapable, c’est qu’elle découle d’un principe qui n’a pas été révélé par la connaissance sensible. Ce principe, c’est celui que Platon et les Pythagoriciens ont assigné à cette science.

Cet axiome, Ptolémée le formule, à plusieurs reprises, de la manière la plus précise. « Nous croyons », dit-il à propos de la construction des tables des mouvements des astres errants[1], « que l’objet que le mathématicien doit se proposer et atteindre est le suivant : Montrer que tout ce qui apparaît au Ciel est produit par des mouvements circulaires et uniformes. — Πρόθεσιν μὲν ϰαὶ σϰοπὸν ἡγούμεθα δεῖν ὑπάρχειν τῷ μαθηματιϰῷ δεῖξαι τὰ φαινόμενα ἐν τῷ οὐρανῷ πάντα δι’ ὁμαλῶν ϰαὶ ἐγϰυϰλίων ϰινήσεων ἀποτελούμενα. »

Un peu plus loin, il s’exprime[2] d’une manière encore plus explicite : « Il faut, tout d’abord, poser en principe que les mouvements éprouvés par les astres errants vers les parties du Ciel qui sont en arrière [vers l’Orient], aussi bien que le déplacement, commun à tous les astres, vers les parties du Ciel qui vont, en avant [vers l’Occident], sont tous, par nature, circulaires et uniformes. Voici ce qu’il faut entendre par là : Les droites que l’on conçoit comme faisant tourner les astres ou les cercles qui portent ces astres, en toutes circonstances et uniformément, couvrent, en des temps égaux, des angles égaux, et cela autour du centre de chacun des mouvements circulaires. Les anomalies qui apparaissent dans les mouvements de ces astres errants sont produites par la position et par l’ordre qu’affectent, au sein des sphères de ces divers astres, ces mêmes cercles à l’aide desquels ils effectuent leurs mouvements. Sous l’irrégularité que l’on imagine lorsqu’on observe les apparences, il ne se produit en réalité absolument rien qui soit contraire à la nature éternelle de ces astres ».

Ce principe fondamental de l’Astronomie géométrique, de quelle façon doit-on le combiner avec les observations, afin d’amener la

  1. Claude Ptolémée, Composition mathématique, livre III, ch. II ; éd. Halma, t. I, p. 165 ; éd. Heiberg, pars Ι, Γ′, β′, p. 208,
  2. Claude Ptolémée, Op. laud., livre III, ch. III ; éd, Halma, t. I, p. 170 ; éd. Heiberg, pars Ι, Γ′, γ′, p. 216.