Page:Dugré - Saint Jean-Baptiste, le saint, la fête, la société, 1923.djvu/8

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 6 —

peu de cas de l’estime des méchants, son ardeur à s’effacer, à se déprécier devant Jésus sont de sérieux reproches à l’usurpation de titres et de gloire qui est la règle de l’arrivisme au XXe siècle. Un vieil auteur portugais fait une malicieuse remarque sur la question posée à Jean : « Qui es-tu ?… Que dis-tu de toi-même ?… Il déclara, et ne le nia point, il déclara : Je ne suis point le Christ. » C’est donc bien rare et bien méritoire de ne pas se faire passer pour plus qu’on n’est réellement, que l’évangéliste répète jusqu’à trois fois la même affirmation, à savoir que Jean ne se donna pas pour le Messie. Ah ! continue-t-il, si l’on eût posé cette question sur les rives de notre fleuve plutôt qu’au Jourdain, la réponse eût été différente : « Évidemment que je suis votre homme ! Et pourquoi pas ? Y a-t-il quelqu’un de plus Messie que moi ? »…

Quant à notre peuple, les orateurs de fête nationale ont souvent comparé sa mission à celle du Précurseur. Nos ancêtres sont venus de France préparer ici le règne de Dieu, planter des croix, convertir les indigènes, fonder une Église et, grâce au choix qu’on faisait des premiers colons, préparer au Seigneur un peuple parfait. Bien des obstacles ont nui à la réalisation de ce sublime idéal de Champlain et de Mgr  de Laval ; jamais pourtant notre race n’a cessé d’être missionnaire, de préparer la voie au Christ, de baptiser, de défendre la morale et de fonder des paroisses.

Le 25 février 1908, Sa Sainteté le Pape Pie X, accédant au vœu de S. Em. le cardinal Bégin, nous donnait en saint Jean-Baptiste un protecteur et un modèle à imiter. Dans un bref pour perpétuelle mémoire, le Saint-Père écrit : « …Jugeant que cela pouvait être grandement profitable aux intérêts de la vie catholique dans ce pays, Nous avons décidé de faire droit à ces prières, d’autant plus volontiers que Nous avons une grande confiance dans le secours et l’intercession de ce saint que, depuis son origine, le peuple canadien n’a cessé d’honorer d’une piété toute particulière… Nous établissons, constituons et proclamons saint Jean-Baptiste patron spécial auprès de Dieu des fidèles franco-canadiens, tant de ceux qui sont au Canada que de ceux qui vivent sur une terre étrangère »…