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demment il faut un certain capital pour former une bonne classe moyenne de citoyens ; or, nous constatons tous les jours que cette classe tend à disparaître, si l’impôt, ou tout autre moyen que M. de Resnes voudrait bien indiquer, n’arrête pas la concentration en quelques mains de la richesse produite par le travail commun. M. Lapeyre, dans son ouvrage : Les Remèdes amers, paru à la librairie Lethielleux, décrit ainsi le résultat de ses observations, en l’appliquant à la personnalité la plus en vue : « L’hypothèse d’un homme gagnant en dormant des sommes mondiales rien que par le jeu naturel de l’intérêt, n’était, il y a quelques années, qu’un simple calcul exact, mais théorique. Aujourd’hui nous en voyons sous nos yeux la réalisation. Un homme s’est rencontré, comme dirait Bossuet, unissant dans une rare mesure l’intelligence des affaires à l’âpreté du gain, sachant économiser l’argent et le faire valoir, ne se trouvant jamais assez riche ni assez puissant ; cet homme, c’est Rothschild. Notre génération a connu le fils de celui qui a fondé la fortune de la famille : les petits-fils ont aujourd’hui trois milliards[1]. Ils connaissent l’art de faire rapporter à l’argent un intérêt de quinze à vingt pour cent. Mais admettons que satisfaits de leur situation actuelle, ils se contentent du cinq pour cent légal qui leur permettrait de laisser les affaires aller toutes seules et de passer leur temps à ne rien faire. L’intérêt de 3 milliards, c’est 150 millions. Soyons généreux. Laissons à

  1. Des personnes bien informées assurent même que leur fortune est actuellement fort supérieure à ce chiffre. La succession d’Alphonse de Rothschild comprendrait environ dix milliards, la 20e partie de la richesse française tout entière.