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arrivé au campement, de me déchausser et me laver les pieds avec de la neige. Il me semblait toujours que je les avais dans le feu. »


À ces meurtrissures, que toute autre chaussure pourrait causer, il faut ajouter un mal spécial, inhérent à la manière dont les membres jouent sur la raquette, mal auquel bien peu de profès du métier ont échappé, et que tous s’accordent à déclarer extrêmement douloureux : le mal de raquette. Le mal de raquette, indépendant des autres lésions, peut saisir sa victime, l’habitué comme le débutant. l’Indien comme le Blanc, à tout moment du voyage. On le compare à la souffrance que causeraient des tenailles disloquant les hanches, ou serrant les tendons du jarret et les tordant par saccades, souffrance qui arrache des gémissements, et qui coucherait sur place l’infortuné, si le mot d’ordre du désert de glace, comme celui du désert de sable, n’était : « ou marcher, ou mourir. »

La température souhaitée, pour la raquette, est de 25 à 35 degrés centigrades au-dessous de zéro[1].

L’air sec, pénétrant, fait alors « pomper » les poumons à leur puissance ; la densité de l’atmosphère force la réaction intérieure et active la circulation ; le mouvement devient un besoin ; et le coureur, vêtu de sa légère peau velue de jeune renne, lancé au pas gymnastique, peut aller, des jours et des semaines, sans désemparer plus que ne le demandent les sommaires repas et le court sommeil, à la « belle étoile ». Rompu au métier, exempt des ampoules et du mal de raquette, il peut dévorer, sans fatigue excessive, des espaces qui déconcerteraient les coureurs sportifs des pays tempérés.

Mais le souhait du missionnaire est souvent déçu. Le froid descend parfois sous 40 degrés, à 50, à 60. Les tempéraments plus faibles ne sauraient fournir la réaction suffisante à une telle rigueur ; et leur salut n’est plus que

  1. Et pour le traîneau aussi bien que pour la raquette. Trop sèche, la neige ne le laisse glisser qu’avec peine ; trop molle, elle adhère à la planche et retarde la marche.